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L’Afrique du Sud lance sa première académie du cannabis : Une révolution éducative et économique

L’Afrique du Sud, pays aux paysages époustouflants et à l’histoire complexe, vient de franchir une nouvelle étape dans sa relation avec le cannabis. En octobre 2023, la première académie dédiée à cette plante a ouvert ses portes dans la province du Cap-Occidental, marquant un tournant symbolique et stratégique pour un secteur longtemps marginalisé. Cette initiative, portée par des acteurs publics et privés, s’inscrit dans un contexte de légalisation progressive et d’ambitions économiques grandissantes. Mais au-delà des enjeux financiers, cette académie incarne une volonté de réconciliation sociale, d’innovation éducative et de leadership continental. Plongée dans les détails d’un projet aux multiples facettes.


Contexte historique : Du « dagga » traditionnel à la révolution législative

Pour comprendre la portée de cette académie, il faut remonter aux racines culturelles du cannabis en Afrique du Sud. Appelé localement « dagga », la plante est utilisée depuis des siècles par les peuples autochtones, comme les Khoisan et les Bantous, à des fins médicinales, spirituelles et sociales. Cependant, sous l’apartheid (1948-1994), le cannabis est devenu un outil de répression. Les lois prohibitionnistes, comme le « Abuse of Dependence-Producing Substances and Rehabilitation Centres Act » de 1971, criminalisaient sa consommation, ciblant disproportionnellement les populations noires et métisses.

La transition démocratique des années 1990 n’a pas immédiatement changé la donne. Pourtant, en 2018, une décision historique de la Cour constitutionnelle a légalisé la consommation privée de cannabis pour les adultes, reconnaissant son usage comme un droit culturel. Cette décision a ouvert la voie au « Cannabis for Private Purposes Act » de 2021, qui réglemente la culture personnelle (jusqu’à 4 plants par foyer) et pose les bases d’un marché régulé.


L’académie du cannabis : Structure, missions et ambitions

Située à Atlantis, une zone industrielle en reconversion près du Cap, l’académie est le fruit d’un partenariat entre le gouvernement provincial, des investisseurs privés et des experts agronomes. D’une superficie de 5 000 m², elle combine salles de classe high-tech, serres expérimentales et laboratoires de recherche.

Programmes éducatifs innovants

L’académie propose des formations diplômantes et des ateliers pratiques, structurés autour de trois axes :

  1. Culture durable : Techniques de cultivation bio, gestion de l’eau (cruciale dans une région sujette aux sécheresses), et lutte contre les parasites sans pesticides.
  2. Transformation industrielle : Fabrication d’huiles, de textiles (chanvre), de matériaux de construction écologiques, et extraction de cannabinoïdes (CBD, CBG).
  3. Droit et entrepreneuriat : Cadre législatif sud-africain et international, création de business plans, et accès aux financements.

Un programme phare est le « Cannabis Innovation Diploma », un cursus d’un an alliant théorie et stages en entreprise. Les étudiants viennent de divers horizons : agriculteurs, pharmaciens, anciens cultivateurs illégaux souhaitant se légitimer.

Recherche et développement

L’académie collabore avec l’Université de Stellenbosch et le « Council for Scientific and Industrial Research » (CSIR) pour explorer des applications médicales, notamment dans le traitement du VIH/Sida et des douleurs chroniques, fléaux majeurs en Afrique du Sud. Des études sur les variétés locales de dagga, réputées pour leur forte teneur en THC, visent à développer des souches adaptées aux marchés d’exportation.


Enjeux économiques : Un marché estimé à 27 milliards de rands d’ici 2025

Avec un climat idéal et des coûts de production bas, l’Afrique du Sud pourrait devenir un acteur clé du cannabis mondial. Selon Prohibition Partners, le marché légal sud-africain pourrait générer 27 milliards de rands (1,4 milliard d’euros) d’ici 2025, créant jusqu’à 25 000 emplois.

Opportunités pour les petits producteurs

L’académie s’adresse notamment aux « previously disadvantaged individuals » (PDI), catégorie incluant les Noirs, Métis et Indiens victimes de l’apartheid. Des subventions gouvernementales couvrent jusqu’à 70 % des frais de formation pour ces groupes. L’objectif est d’éviter que le marché ne soit accaparé par des multinationales, comme cela s’est produit dans d’autres pays.

Exportation et concurrence régionale

Le pays vise les marchés européens et nord-américains, mais doit rivaliser avec le Lesotho, premier exportateur africain de cannabis médical, et le Zimbabwe, où les licences sont moins chères. Pour se démarquer, l’Afrique du Sud mise sur la qualité « bio » et un label éthique, mettant en avant des partenariats équitables avec les communautés rurales.


Défis et critiques : Entre optimisme et prudence

Malgré l’enthousiasme, des obstacles persistent :

  • Complexité législative : La vente commerciale de cannabis récréatif reste interdite, et les licences pour le médical coûtent jusqu’à 500 000 rands (25 000 €), un montant prohibitif pour les petits acteurs.
  • Stigmatisation sociale : Dans les townships, le dagga reste associé à la criminalité. L’académie organise des campagnes de sensibilisation, mais le changement prendra du temps.
  • Risques de monopolisation : Des activistes dénoncent déjà l’implication de grandes entreprises canadiennes ou allemandes dans le financement de l’académie, craignant une « colonisation économique ».

Une vision panafricaine

L’Afrique du Sud ne cache pas ses ambitions continentales. Lors du lancement de l’académie, le ministre de l’Agriculture, Thoko Didiza, a déclaré : « Nous voulons partager notre savoir-faire avec toute l’Afrique. Le cannabis peut être une ressource pour l’indépendance économique de notre continent. » Des délégations du Maroc, du Malawi et du Nigeria ont déjà visité les installations.


Conclusion : Un modèle pour l’avenir ?

L’académie sud-africaine du cannabis est bien plus qu’un centre de formation. C’est un laboratoire social, économique et scientifique, où s’expérimente une nouvelle relation entre une plante ancestrale et une nation en mutation. Si les défis sont immenses, les retombées potentielles – réduction du chômage (officiellement à 32 %), diversification économique, avancées médicales – justifient l’audace de ce projet. À l’heure où le monde se tourne vers des alternatives durables, l’Afrique du Sud pourrait bien devenir un phare du cannabis responsable.

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