L’Allemagne s’apprête à légaliser le cannabis récréatif
L’Allemagne va bientôt rejoindre le club des pays européens qui ont légalisé le cannabis récréatif, après Malte et le Luxembourg. Le gouvernement tripartite d’Olaf Scholz a adopté en août 2023 un projet de loi qui prévoit de réguler la production, la distribution et la consommation de cannabis à des fins non médicales. Le texte doit encore être approuvé par le Parlement et la Commission européenne, mais il pourrait entrer en vigueur dès le 1er avril 2024. Quelles sont les modalités, les objectifs et les enjeux de cette réforme historique ?
Un cadre réglementaire strict
Le projet de loi allemand vise à créer un marché légal du cannabis, sous le contrôle de l’Etat, qui délivrera des licences à des acteurs agréés. Les consommateurs pourront acheter et posséder jusqu’à 25 grammes de cannabis par jour, et cultiver jusqu’à trois plants pour leur usage personnel. La vente sera interdite aux mineurs de moins de 18 ans, et la publicité sera strictement encadrée. Le cannabis sera soumis à une taxe spéciale, en plus de la TVA, qui devrait rapporter environ 2 milliards d’euros par an à l’Etat.
Une meilleure protection des consommateurs
Le gouvernement allemand affirme que la légalisation du cannabis récréatif répond à un impératif de santé publique. Il s’agit de garantir aux consommateurs un produit de qualité, contrôlé et traçable, et de les informer des risques liés à la consommation. Actuellement, le cannabis du marché noir est souvent coupé avec des substances nocives, ou modifié génétiquement pour augmenter sa teneur en THC, ce qui peut provoquer des troubles psychiques. La légalisation permettra également de faciliter l’accès aux soins et à la prévention pour les personnes dépendantes.
Une lutte efficace contre le trafic illégal
Le gouvernement allemand espère également que la légalisation du cannabis récréatif aura un impact positif sur la sécurité publique et la justice. Il s’agit de réduire la criminalité organisée et le trafic illégal, qui représentent une menace pour l’ordre social et qui privent l’Etat de recettes fiscales. Il s’agit aussi de désengorger les tribunaux et les prisons, en évitant de pénaliser les consommateurs de cannabis, qui représentent une grande partie des infractions liées aux stupéfiants. Enfin, il s’agit de respecter la liberté individuelle des citoyens, qui doivent pouvoir choisir de consommer du cannabis sans être sanctionnés.
Une réforme controversée
La légalisation du cannabis récréatif en Allemagne n’est pas encore acquise. Le projet de loi doit encore être approuvé par le Parlement, où le gouvernement dispose d’une majorité fragile. Il doit aussi recevoir le feu vert de la Commission européenne, qui pourrait émettre des réserves sur la conformité du texte avec le droit communautaire. En outre, la mise en œuvre de la réforme nécessitera de créer un cadre réglementaire adapté, de former les acteurs impliqués, de sensibiliser le public et de prévenir les abus. Le gouvernement prévoit d’évaluer rapidement les effets de la légalisation, en se basant sur l’expérience d’autres pays qui ont franchi le pas, comme le Canada ou l’Uruguay.
La légalisation du cannabis récréatif en Allemagne suscite également l’opposition des partis conservateurs, des syndicats de policiers et de certains députés du SPD, qui craignent une augmentation de la consommation, notamment chez les jeunes, et des effets négatifs sur la santé mentale et la sécurité routière. Ils appellent à maintenir une politique répressive, qui selon eux est plus dissuasive et plus responsable.
Une tendance mondiale ?
L’Allemagne n’est pas le seul pays à envisager la légalisation du cannabis récréatif. De plus en plus de pays, notamment en Europe, en Amérique et en Océanie, assouplissent leur législation sur le cannabis, que ce soit pour des raisons médicales, économiques ou sociales. Selon l’ONU, environ 200 millions de personnes consomment du cannabis dans le monde, ce qui en fait la drogue illicite la plus répandue. La légalisation du cannabis récréatif pourrait donc être une opportunité de réguler ce marché, de protéger les usagers et de générer des bénéfices pour la société.